22519493_878352599006058_1076020736765501659_n.jpg

Sans complaisance, Maryl Le Berre observe le corps humain, le soumet à son regard

inquisiteur qui fouille dans l'intimité d'une morphologie aux multiples offrandes.

Elle impose une présence et rien d'autre.

Nulle habitude visuelle vient au secours d’un regard qui hésite et qui accroche cependant telle partie identifiable, des seins, une croupe, une reconnaissance formelle qui monte progressivement du support pour revendiquer une identité qui est avant tout, celle de la peinture. Loin des vicissitudes esthétiques, la sienne procède par strates. Le trait, qui circonscrit et restitue l'image avant de se charger d'une matière qui vit par addition d'éléments picturaux.. Les pigments chargent la représentation du corps d'un sens où la peinture revendique et puise sa modernité en faisant coexister deux dimensions, en apparence contradictoires : déstabiliser l'image en éliminant toute relation à la sensation tout en recourant à l'émotion, sans laquelle la peinture devient aride comme le champ non labouré. L'écriture autant que la couleur absorbe l'anatomie pour un enfouissement qui rejette l'image dans un mouvement qui la conjure, non pour la dissoudre mais pour la faire remonter différemment du fond de la peinture. Fragile, frémissante

et obstinée, dans sa nature ontologique, sa peinture demeure du côté de l'apparence tout en luttant contre l'illusion. Elle questionne pudiquement l'être à travers sa relation au monde, mais aussi à nous même. Le geste installe dans l'espace cette chair, qui est vie et rêve jusque dans cette spatialité qui suspend la représentation pour une réversibilité appelant toutes les métamorphoses.

Ultime vérité d'une connaissance polymorphe où le vertige aura le dernier mot. L'introspection graphique fait lever l'inatteignable, l'essence du visible qui se confond avec la

ubstance charnelle. Intimement, le pinceau travaille à découvrir le sujet, à le mettre en lumière dans un jeu entre le caché et le dévoilé, le réel et le latent. La tension qui s'opère alors

précipite la représentation à partir d'une courbe, d'un jeu linaire que tente de noyer une palette

à dominantes de rouges, de noir et de blanc.

La lumière, puissamment présente à partir des blancs qui interviennent comme détenteurs d'espace et de modelé, est aussi celle qui transfigure et incarne l'émotion première.

Simple, on la retrouve dans le constat photographique qui se juxtapose aux peintures

dans les récents montages. Miroirs d'une réalité, photos et peintures s 'unissent dans

une saturation visuelle pour s'offrir comme l'icône d'une modernité où le pittoresque n'a plus court.

Sans emphase picturale, la peinture de Maryl Le Berre nous interroge et questionne

le sens même de l'engagement de la peinture.

Lydia Harambourg, historienne Critique d'art

marylleberre.jpg

Maryl Le Berre, explore les secrets des corps depuis plusieurs années.Ses œuvres récentes revêtent un expressionnisme à la limite de l’informelpour certaines peintures.Destabiliser l’image rassurante au profit de l’inconnu ou comment donnerle change à une réalité aussi éphémère qu’illusoire. Dessiner dans la fluidité de la couleur provoque la réversibilité du corps avec ses métaphores aussi improbables que fantasques.Entre le geste et l’espace, l’action et le vide, la peinture interroge l’être àtravers sa relation au monde. Une tension s’empare avec déraison des corps puis dans une telle fureur charnelle. Une rare sensualité, évoquée allusivement par des mouvements de rouge, de noirs, une gamme d’ocres et de terres, rehaussés d’un blanc débouchant sur une transfiguration des corps.Cette représentation polymorphe appelle des surenchères des médiums colorés, violemment modelés par un graphisme tourmenté. On discerne des réseaux linéaires qui suggèrent une anatomie, un buste, une croupe, des membres aussitôt happés dans les méandres matiéristes d’un magmacorporel, pris entre chute et renaissance, entre chaos et extase. Ces formes de chair et de sang renvoient aux limbes de nos émotions fugitives.Lydia Harambourg

21430328_860189647489020_4249715994038706345_n.jpg

Les corps disséqués

À l’instar de Léonard de Vinci qui disséquait clandestinement les corps pour ravir le secret de la vie, Maryl le Berre ouvre, explose la peau, déchire l’enveloppe. Elle fouille jusqu’à l’âme, pour scruter la lumière intérieure, délivrer la source. Au cœur, la vie palpite.

L’artiste commence à peindre dans une matière épaisse à partir d’un noyau central, et peu à peu s’étale jusqu’à devenir transparente dans l’in-fini des contours. Les membres ne sont qu’accessoires, ils ne sont là que pour équilibrer la composition. La tête est ajoutée mais le visage reste masqué par un voile que Maryl ne lève pas. En équilibre sur une frontière incertaine et fragile, elle en éprouve la porosité par un perpétuel va-et-vient entre présence et absence, animalité et humanité, figuratif et abstrait, monstrueux et beau, caché et dévoilé, maigreur et obésité. Les drames qui se jouent dans ces extrêmes et les chocs provoqués stimulent sa créativité.Le jazz remplit l’espace de l’atelier, un dialogue s’installe entre elle et le modèle, présence nécessaire et rassurante. La vie circule, l’atelier vibre, Maryl le Berre s’élance sur cinq ou six panneaux à la fois comme si c’était la première fois. Saisie par une émotion qu’elle ne contrôle jamais, elle n’ose pas regarder ce qu’elle vient de peindre, elle sort de l’atelier, pleure, revient sur son travail confiante dans son geste rapide et fluide. Geste expressionniste d’évidence, réveillé par le stick à l’huile plus incisif que la caresse du pinceau. Tantôt le fond est balayé à la brosse, tantôt le corps flotte. Dans un premier jet sans repentir, pour ne pas perdre l’intensité de l’émotion première, le peintre immobilise les corps dans un mouvement arrêté ; la photographie est son autre écriture.Comme le soc de la charrue ameublit la terre, Maryl le Berre creuse pour mettre à nu la vie intérieure, la vie primordiale et frémissante qui se confond avec l’énergie vitale, celle qui fait tourner la terre et les astres.Annick Chantrel Leluc